Salut c’est Nemo et vous êtes bien sur Music Sounds Better With Us, la plateforme qui vous raconte les petites et les grandes histoires de la musique. Cet épisode est le deuxième d’une série consacrée au groupe N.E.R.D mais aussi au duo de producteurs The Neptunes ainsi que le plus connu d’entre eux, Pharrell Williams.
Et pour ce deuxième épisode, je vais vous raconter comment j’ai véritablement adopté leur musique avec un morceau et un clip oublié de leur discographie qui va croiser une autre légende oubliée, cette fois-ci du cinéma : l’acteur Brad Renfro. Et je vais revenir sur son parcours d’écorché vif entre succès total et addictions mortelles.
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Comme d’habitude, vous retrouverez sur notre boutique en ligne tous les vêtements, accessoires, figurines et pièces de collection associés, ici sur N.E.R.D., les Neptunes et Pharrell Williams. Maintenant, parlons de BMX, de drogues, de Clipse, de Larry Clark, de Disney, des Rolling Stones, de violence et de musique. Parlons de N.E.R.D. et de Brad Renfro, parlons de “Provider” maintenant sur Music Sounds Better With Us, c’est parti.
Dans l’épisode précédent, j’expliquais comment la culture skate, les VHS et le mélange des genres m’ont amené à avoir un vrai coup de coeur sur “Rock Star” de N.E.R.D. mais c’est finalement quelques mois plus tard qu’il y a surtout un clip qui va rester en moi, grandir et m’obséder régulièrement depuis la première fois que je l’ai vu en 2002, c’est celui de “Provider”.
Dans cette vidéo, il y a tout ce que j’aime dans le côté multiculturel, c’est à la fois un morceau de musique et un film, un bout de culture archi référencé et des milliers d’histoires croisées que je ne soupçonnais même pas. Le rythme est plus lent que les autres singles de N.E.R.D. à cette époque. Moins de guitare saturée, moins de sauts partout. On est clairement plus sur une balade pop.
Dans le clip, on retrouve Shay, le troisième membre iconique de N.E.R.D dans une première séquence en bagnole puis Pharrell Williams et Chad Hugo qui rident en BMX avec des véritables pros dans la ville, il y a carrément Tony Hawk en vendeur dans l’épicerie, je ponçais son jeu vidéo à l’époque, un clin d’oeil fou. On voit aussi Travis Barker, le batteur de Blink 182 alors au top niveau du punk rock époque American Pie et on aperçoit en dealer dans la rue un jeune rappeur nommé Terror qui n’est autre que Pusha T encore inconnu avant le développement de son groupe Clipse avec les Neptunes toujours eux.
Bref, tout le clip est bourré de refs mais à chaque fois qu’il passait sur MTV, je restais surtout scotché sur l’histoire, la façon simple, presque sous forme d’une balade, de raconter le quotidien d’un dealer normal.
En vrai, ce morceau ne ressemble à rien de ce que j’écoute à ce moment-là mais il y a quelque chose qui me touche à chaque fois dans ce petit court métrage du couple qui galère, lui un peu fou, voleur et dealer, et elle, enceinte jusqu’au cou qui attend que son mec gère les choses. Ce final émouvant où le mec finit par se résigner à partir à la guerre, l’Irak, pour subvenir aux besoins de son futur enfant, la façon dont s’est filmé et la mélodie, la voix, les textes de Pharrell, et le regard du “Provider”, son jeu urgent, le tout me donnait toujours des émotions à chaque visionnage sur MTV. Ce petit film m’a tellement obsédé que je suis allé chercher plein d’informations dessus, au fil des années. Et j’ai découvert plusieurs incroyables histoires dont celle de Brad Renfro, l’acteur torturé qui joue Shagg, le fameux provider.
La jeunesse cramée de Larry Clark
Le clip de “Provider”, et donc ce mini-film qui va avec, sont réalisés par Diane Martell, une grande spécialiste du genre qui a déjà travaillé à l’époque avec Mariah Carey, Onyx, Method Man, Redman ou Keith Murray. Pour le couple de “Provider”, elle a choisi deux jeunes premiers, Kelly Garner et Brad Renfro qui viennent tous les deux de jouer dans un film sulfureux de Larry Clark, Bully.
A l’époque, je suis assez friand du cinéma de Larry Clark qui cherche à décortiquer l’adolescence subversive, intense et dangereuse. Et j’en suis friand aussi parce qu’il parle souvent de culture skate, notamment dans son classique Kids écrit avec Harmony Korine où on retrouve tout l’univers du New York des années 1990, celui des marques de skate comme Supreme ou Zoo York, entre skate, rap, hardcore et excès.
Il y a des vrais skateurs dedans comme Harold Hunter ou Justin Pierce, aussi des trajectoires brisées trop tôt. Kids était un film rempli de personnages toxiques au comportement dévastateur et autodestructeur qu’il est difficile à imaginer maintenant.
Mais dans les années 1990, on baignait dans cet univers, ce côté brut, parfois poétique, parfois juste violent sans pitié et sauvage. Et il y avait le skate, l’interdit, la musique. Bref le travail de Larry Clark et Harmony Korine en 2002, je suis pas mal dedans.
Et Bully est encore plus poisseux, dérangeant que Kids, si c’est même possible. Le pitch c’est carrément une bande d’amis désoeuvrés qui décident de se débarrasser d’un d’entre eux parce qu’ils le trouvent toxique au max. Mais plutôt que de juste couper les ponts, bah ils le butent, voilà.
La catchline, c’était un truc genre “Est ce que vous savez vraiment ce que sont en train de faire vos enfants en ce moment ?” Et franchement, tout est dur dans le traitement de la jeunesse, de la violence, de l’autodestruction, c’est vraiment un film sur une génération perdue, encore une, qu’on pourrait peut être rapproché du très bon Over The Edge sorti 1979 et souvent cité en ref par… Kurt Cobain.
Mais revenons à notre “Provider”, est-ce que les N.E.R.D. étaient fans de Larry Clark et de ce film Bully sorti quelques mois plus tôt pour réunir ainsi une partie du casting dans leur clip ? Car Bully est le tout premier film de Kelly Garner dans lequel elle se retrouve très proche de… Brad Renfro.
Ça m’intrigue fort, je me mets à chercher pourquoi ce couple dans ce clip, où ai-je déjà vu ce visage du “Provider”, qui est ce Brad, symbole total d’une jeunesse en perdition. Et après quelques recherches, je découvre une trajectoire folle, entre River Phoenix et Heath Ledger, un véritable ange déchu totalement relié à mon amour pour “Provider” et N.E.R.D. Je vous raconte son histoire atypique.
L'histoire de Brad Renfro
Brad Renfro a grandi à Knoxville dans le Tennessee. Ses parents se séparent quand il est petit et Brad se retrouve à vivre avec sa grand-mère dans une roulotte. Il n’a que 10 ans quand il est découvert par Mali Finn, directrice de casting parce que Brad est effronté et charismatique, il dégage un truc. Alors qu’il n’a jamais joué ou passé de casting, il est choisi face à 5000 autres jeunes par Joel Schumacher pour jouer dans son énorme film Le Client en 1994, il y a 30 ans.
Et il est totalement exceptionnel dedans, je l’ai revu avant d’enregistrer le podcast et vraiment son énergie, son bagout, son charisme à seulement 10 ou 11 ans, c’est totalement bluffant. Je me regarde moi à 10 ou 11 ans avec ma casquette trucker Pelican Alcatraz là, clairement pas le même charisme.
Avec Le Client, Brad gagne plusieurs prix comme jeune acteur et s’installe à Hollywood. Il enchaîne ensuite rapidement deux productions, le très bon The Cure sur l’amitié entre deux jeunes marginaux dont un malade du sida qui partent en fugue puis Tom & Huck produit par Disney qui raconte l’histoire de Tom Sawyer et Huckleberry Finn, vous connaissez, deux marginaux qui partent en fugue. AH, y’a une petite similitude on dirait mais en vrai dans les films, pas tant que ça. Deux films que j’ai beaucoup apprécié, notamment pour le jeu de Brad, je vous les recommande vivement.
En tout cas, en deux ans, Brad devient LE jeune acteur du moment. Cette période culmine avec le thriller Sleepers de Barry Levinson où Brad Renfro joue un jeune Brad Pitt dans cette bande d’amis qui cherche à se venger de sévices subis en centre de détention. Encore un énorme film à succès qui offre au jeune acteur une position de véritable successeur potentiel à River Phoenix, celui de Stand By Me puis A Bout De Course, lui aussi intense, dangereux.
River est mort d’une overdose à 23 ans en 1993, quelques mois avant le début de carrière de Brad. Et on sent la même tension dans son jeu d’acteur, un danger, une vérité de la douleur, du désarroi qui nous regarde dans les yeux. A chaque fois que je les ai vu, ça donne des frissons mais quelque part, ça fait flipper aussi. Et ce n’était que le début.
Après quelques films moins en vue, Brad Renfro rencontre ses premiers déboires avec la justice en 1998. Il est arrêté avec son cousin et plusieurs sacs de cocaïne alors qu’il n’a que 16 ans. C’est là qu’on commence à voir la vie d’un jeune qui a grandi beaucoup trop vite au sein d’Hollywood. Brad semble toujours trop mûr pour son âge alors qu’il se cache sûrement derrière cette façade pour oublier une sensibilité trop forte.
Ses choix de films se feront plus indépendants comme le très bon Ghost World de Terry Zwigoff tiré d’une BD indé, j’adore ou donc ce fameux Bully de Larry Clark. D’ailleurs, le réalisateur parle de véritables épreuves pour arriver à faire tourner Brad tellement ses addictions aux drogues et alcool étaient fortes. Et en vrai, Brad c’est le plus flippant dans Bully, il fait froid dans le dos.
Une autobiographie en deux clips
C’est dans cette période aussi qu’il joue dans un autre clip que celui de N.E.R.D. qui prend tout son sens maintenant que j’y réfléchi. Il s’agit d’une version remise à jour de “Gimme Shelter” des Rolling Stones réalisée par le français Michel Gondry en 1998.
Le morceau date des années 1960 mais il n’avait jamais été disponible en single ou sur un album officiel. Dans ce nouveau clip en forme de court métrage encore, Brad y joue un jeune en échec qui quitte la maison familiale et part sur la route pour éviter la guerre, celle des paroles de Mick Jagger, le Vietnam adapté aux années 1990.
En revoyant ce clip, je me souviens de l’avoir vu très souvent sur MTV et d’avoir déjà été touché par l’acteur sans vraiment savoir qui il était. En le revoyant aussi, j’ai presque l’impression qu’il s’agit du prequel de “Provider”, comme si c’était le même personnage dont on suivait la longue fuite en avant, la vie sans issue, d’abord quand il quitte sa famille, puis quand il a un enfant en pleine débrouille. Ces deux clips forment une sorte de fausse biographie de Brad, un docu-fiction capturé dans deux clips distincts, un signé Stones, l’autre signé Neptunes avec 4 ans d’écart. Regardez les à la suite, c’est vraiment troublant.
Car la vie de Brad va continuer de s’obscurcir après sa rencontre avec N.E.R.D. et “Provider”. En décembre 2005, il est arrêté dans le quartier de Skid Row à Los Angeles, haut lieu du trafic de drogue et de la déchéance. Les policiers l’arrêtent pour tentative d’achat d'héroïne, Brad leur avoue être totalement dépendant à l’héro et la méthadone. Les années suivantes ne seront qu’une longue descente aux enfers avec de plus en plus violations de probation et de moins en moins de tournages, souvent des petits rôles où il est totalement transformé. J’ai essayé d’en regarder deux disponibles sur Prime Video pour préparer ce podcast, deux qui dates de 2005 et 2006, franchement c’est inregardable, c’est du direct to dvd catastrophique. Et Brad est complètement différent, absent, il sue énormément dans tous les rôles, on le sent en souffrance à travers son jeu, c’est très dur à regarder.
Le Provider s'éteint
Et l’inévitable arrive très vite. Brad Refro est retrouvé mort dans son appartement le 15 janvier 2008. Overdose d’héroïne et de morphine. Il avait 25 ans. Le 24 février 2008, pendant la remise des Oscars, son nom sera oublié lors de l’hommage aux membres du cinéma décédés cette année-là. Et personne ne s’en excusera vraiment. Brad Renfro était une étoile filante, un espoir des années 1990, un écorché vif qu’on a laissé tomber, le clip de “Provider“ de N.E.R.D. était un de ses derniers éclats avant de disparaître dans un silence assourdissant. Je trouve ça fou qu’il ait joué ce personnage un peu paumé, torturé, dos au mur dans ce clip de N.E.R.D. Lors de mes multiples visionnages sur MTV, je n’avais aucune idée de toute cette histoire en creu. Tellement de multiples références et de multiples trajectoires uniquement dans ce clip entre culture skate, rap, punk rock, funk et anges déchus d’Hollywood.
Et cette histoire multiple vous la retrouvez sur notre boutique Music Sounds Better With US avec la collection Pleasures x N.E.R.D, notamment une pièce très à propos avec “Provider” inscrit sur le dos. mais aussi l’album In Search Of en vinyle ou le DVD des films Bully et Kids. C’est aussi ça l’histoire de Music Sounds Better With Us, la passion à travers les multiples histoires, les objets, les disques, les souvenirs, à très bientôt pour un nouvel épisode.